Recension
MARTIN, Jean (2024) : Santé et environnement. Vers une nouvelle approche globale. Sous la direction de SENN, Nicolas et coll. (2022). Edition RMS 2022, 502 pages.
Dans sa préface, François Gemenne[1] rappelle que « la question des liens entre santé et environnement nous renvoie à notre propre vulnérabilité » adressant l’ouvrage « à toutes les personnes soucieuses de trouver quelques clés de compréhension pour penser la santé dans l’environnement et entamer une nécessaire transformation socioécologique des services de santé ».
Cette somme imposante traite de manière approfondie la dimension environnementale, chaque jour plus importante dans la pratique des soins et devant inspirer l’enseignement des professions de la santé, ainsi que les relations entre médecine/système de santé et environnement.
Les impacts sanitaires du changement climatique et ceux de l’érosion de la biodiversité nous rendent en effet chaque jour plus vulnérables ; or, personne ne peut désormais ignorer que la santé humaine dépend de celle des écosystèmes, dans notre interdépendance et proximité avec le vivant.
Nicolas Senn, est professeur et Chef du Département médecine de famille au sein du Centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne. Avec son équipe, il s’efforce de conceptualiser et décrire les problématiques à affronter du domaine de la santé humaine et, entre autres sujets, a étudié les émissions de gaz à effet de serre des cabinets médicaux.
L’auteur et trois de ses collègues ont réuni dans cet ouvrage monumental quelque 70 auteur-es francophones et anglophones, de divers horizons disciplinaires, qui ont rédigé la quarantaine de chapitres composant cet ouvrage organisé en cinq parties : 1) Concepts de la relation entre santé et environnement ; 2) Santé et société ; 3) Co-bénéfices santé – environnement ; 4) Eléments pour la pratique clinique et 5) Système de santé et politiques publiques.
Sont évoquées la « théorie du Donut », établie par Kate Raworth[2] en référence aux neuf limites planétaires imposant un juste équilibre entre les attentes sociales et les limites écologiques, l’approche « One Health formulée par Jakob Zinsstag, épidémiologiste suisse[3], promouvant une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé publique, à toutes échelles, locales, nationales et planétaire et « La Grande Accélération », étudiée et popularisée par W. Steffen[4].
Sont également traités des sujets aussi divers que savants, tels les services écosystémiques, apparus au début des années 2000 à l’occasion de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, (services d’approvisionnement, régulation, de soutien et culturels), les dangers sanitaires croissants liés à la pollution de l’air et aux risques toxicologiques – y compris ceux liés aux médicaments, la solastalagie[5], bien d’autres encore traitant de la santé mentale, des problématiques migratoires, des bénéfices directs d’une mobilité active, d’une alimentation équilibrée et d’un contact régulier avec la nature, enfin de la durabilité en matière de santé.
Face au défi climatique, la médecine et le système de santé doivent assument leurs responsabilités et contribuer à des pratiques soutenables, imposant une exigence de sobriété, voire de frugalité. Ce ne sera pas simple…
« Santé et environnement » apporte à cet égard des bases solides, éclairées d’une multiplicité d’exemples et d’angles d’attaque que tout étudiant en médecine et professionnel soignant, jeune et moins jeune, voire ancien, doit connaitre !
Les directeurs de publication relèvent en introduction que « ne pas considérer l’influence des déterminants environnementaux de la santé dans la prise en charge peut même être vu comme un manque de professionnalisme, tant les preuves de leur influence sont abondantes ».
Et l’ouvrage de conclure que la prise en compte des facteurs environnementaux questionne le fonctionnement même d’un système de santé productiviste, organisé autour d’une approche encore trop souvent strictement biomédicale.
[1] Membre du GIEC, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris et à l’Université de Liège.
[2] https://biosphereetsociete.org/la-theorie-du-donut/.
[3] https://books.openedition.org/quae/36495?lang=fr.
[4] Will Steffen, Wendy Broadgate, Lisa Deutsch, Owen Gaffney et Cornelia Ludwig, « The Trajectory of the Anthropocene”: The Great Acceleration », The Anthropocene Review, vol. 2, no 1, 1st April 2015, p. 81-98.
[5] Eco-anxiété causée par les changements environnementaux.
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Version pdf: Recension – Santé et environnement – Vers une nouvelle approche globale