MARTIN, Jean (2025) : Les choses ne vont pas bien … et ce n’est pas le moment d’oublier le climat !
Le vieil observateur de la société – et un peu acteur – que je suis ne sait pas trop quoi dire, ou plutôt par quoi commencer. J’ai été très perturbé, atterré, ces derniers temps par les barbaries dont Gaza est le théâtre. De ces choses qui fichent par terre beaucoup de ce à quoi j’ai cru, avec d’autres, sur la société, et même la civilisation, qui a été construite au cours des dernières décennies, après les horreurs de la deuxième guerre mondiale. Des espoirs fracassés pour ce qui me concerne.
Je réalise à quel point nous restons impuissants par rapport à ce qui se passe au Proche Orient. Mais il y a près de nous des soucis graves de nature différente, par exemple le désastre de Blatten, rayé de la carte par l’effondrement de la montagne et du glacier du Birch. Puis la lave torrentielle dans le Haut Val de Bagnes quelques jours plus tard. Préoccupations quant à la prévention et la protection contre les dangers naturels. Nous devons agir ici en Suisse, c’est clair, mais les menaces ne seront vraiment combattues que par des engagements sur le plan mondial. Je le dis en soulignant que, en tout état de cause, la Suisse reste un des endroits les plus riches et les plus prospères de la planète et que nous devons faire notre part, en réalité plus que notre part simplement « proportionnelle ».
Blatten nous ramène au dérèglement climatique qui va croissant, il est certain que ce drame y est lié. Réchauffement du permafrost etc. Rappelons en passant que le réchauffement est plus rapide en altitude, comme d’ailleurs près des pôles.
Mon métier de médecin de santé publique me fait relever que ce dérèglement touche de plus en plus vivement notre santé physique (canicules, arrivée de nouveaux vecteurs de maladie…) et psychologique (anxiétés, dépressions, et ce qu’on appelle syndrome de stress pré-traumatique – on est traumatisé avant même que la catastrophe n’arrive). Les défis climatiques impactent évidemment aussi ce qu’on peut appeler la santé sociétale, notre potentiel de vivre ensemble.
Le 9 avril 2024 a vu la superbe victoire des Aînés pour le climat à Strasbourg[1]. Elle doit précéder d’autres avancées, notamment être suivie d’une reconnaissance de la part des « Sages » qui nous gouvernent et de ceux qui légifèrent que le jugement de la CEDH constitue une chance de prendre conscience de la réalité. Et donc d’agir. Or leur réaction a été de contester la légitimité de l’arrêt, remettant en cause l’ordre juridique impératif – pour mieux fermer les yeux et camoufler l’insuffisance des mesures prises ?
Notre monde est ainsi une place de plus en plus dangereuse, de l’action est demandée partout. En plus du niveau fédéral susévoqué, il s’agit d’être actif au niveau des cantons et des communes – et des ménages ! Les Plans Climat des cantons, de plus en plus nombreux sur le papier, sont une belle chose, mais comment seront-ils appliqués, et avec la célérité nécessaire ?
Une chose encore : le livre tout récent d’André Hoffmann « Pour une prospérité durable », où il demande à l’économie classique de se préoccuper de l’habitabilité de la planète, est un développement positif. Malgré les doutes qu’on peut avoir sur les chances de notre compatriote milliardaire co-propriétaire de Roche de vraiment influencer son club de puissants, le fait qu’un VIP dans sa position prenne position publiquement est un bon signe – même si des voix crédibles, tout en reconnaissant l’effort louable, affirment que ce sera(it) trop peu et trop tard…
Comme de coutume en politique – c’est une de ses fatalités, il y a l’urgent et l’important, parfois en concurrence et qui requièrent des choix difficiles. Blatten est important pratiquement et symboliquement et/mais c’est en fait surtout un signal, un très gros coup de sonnette : à continuer de ne pas agir sur les causes, on s’épuisera à panser les plaies après coup.
Il importe de maintenir la question climatique au haut de la pile des préoccupations, de poursuivre dans la prise de décisions et dans des démarches efficaces. Ceci autant que possible en concertation avec toutes les parties prenantes, sans agressivité. Parce qu’il le faut.
[1] Voir aussi Le long combat des Aînées pour le climat – Biosphère et société
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Version pdf: Les choses ne vont pas bien