Recension
MARTIN, Jean (2022) : Pandémopolitique – Réinventer la santé en commun. GAUDILLIERE, Jean-Paul, IZAMBERT, Caroline et JUVEN, Pierre-André (2021). Ed. La Découverte 2021, 301 p. ISBN 9782348066153
Ces trois auteurs ont à leur actif des travaux sur la vie des structures de soins. La saga Covid et les questions scientifiques, éthiques, politiques qu’elle a suscitées, les amènent à un large tour d’horizon des défis pour nos systèmes de santé et nos sociétés en général.
Un sujet majeur de l’ouvrage est la persistance des inégalités ; il n’est pas acceptable que notre société ne parvienne pas à mieux répondre aux besoins de tous et de chacun – et cela concerne largement le bon usage de la Planète qui nous accueille.
Le terme de « triage » est apparu souvent, au cours de la pandémie, dans toute sa dramaturgie ; mais il faut rappeler que « trier » répond à une exigence impérative, établir des priorités en vue de l’usage optimal de ressources y compris naturelles, toujours limitées ; … avec la participation des usagers aux décisions.
Le Covid-19 est considéré comme une « syndémie » ; celle-ci repose sur de multiples facteurs faisant prendre la mesure des origines anthropiques de la maladie et des conséquences délétères de nos comportements. « La pandémie de Covid-19 a remis à l’ordre du jour une discussion sur les besoins essentiels, pour imaginer un monde soutenable, tenant compte des effets anthropiques de nos actions » – serait-ce des points de vue du dérèglement climatique et de l’érosion du Vivant. Cette approche conduit aussi à repenser toute la problématique des « communs » (ex. : communs publics mondiaux[1]).
Il importe donc de parler de santé planétaire. Le programme « Planetary Health »[2], initié par la revue The Lancet, appelle en ce sens à une approche holistique – par le fait que, entre autres raisons, la disparition des activités traditionnelles de subsistance, le développement de l’agriculture industrielle et l’urbanisation galopante, sont directement liés aux défis actuels, y compris de santé. Ces mutations ont accru les contacts et les conflits entre les humains et le Vivant (covid !).
Tous, y compris les pouvoirs publics, nous devons comprendre que notre santé dépend de celles des écosystèmes et des espèces, végétales et animales (le Hastings Center états-unien tenait le 19 avril 2022 un webinaire posant la bonne question « Is It Possible to Have Healthy People on a Sick Planet ? »)[3]. Soigner les écosystèmes et les processus environnementaux qui les dirigent devient dès lors un impératif majeur.
A noter qu’à la demande des étudiants eux-mêmes, la Faculté de médecine de Genève a récemment mis en place un cursus consacré à la « Santé planétaire »[4].
Les auteurs abordent combien, à juste titre, la question des externalités négatives, c’est-à-dire les coûts de ce que nous entreprenons et produisons, est centrale dans le débat sur l’environnement mais aussi sur la santé ; d’où la nécessité d’introduire de nouveaux critères et de prendre plus au sérieux ces externalités négatives (dégradation des écosystèmes et de la biosphère en général) (p. 283-284). Thème grossièrement négligé jusqu’à ce jour ; il est stupéfiant d’observer à cet égard la myopie des économistes et des politiciens ! Un bon exemple en est la référence persistante à la notion de produit intérieur brut (PIB), comme le paradigme actuel du bien-être et fondé sur l’acte de production – industrielle par exemple – alors que les déséconomies qui lui sont liées – nuisances de tous ordres, pollutions et autres atteintes à l’environnement – ne sont pour la plupart ni comptabilisées, ni déduites de son bilan [5]…
Tout cela est aujourd’hui suranné, eu égard aux changement globaux dont nous connaissons les sources et origines anthropiques. Estimer le bien-être, si cela a un sens, ne peut en effet résulter de tels fondamentaux, occultant les évidences et pratiquant le déni permanent.
Pour conclure, l’ouvrage nous invite en quelque sorte à réinventer la santé en commun, dans une démarche d’ouverture à l’autre et à l’environnement.
[1] Sur le sujet, se reporter à la « Tragédie des communs » de Garrett Hardin, paru en 1968 dans Science
[2] https://www.planetaryhealthalliance.org/planetary-health.
[3]Voir également sur le sujet : https://www.ted.com/talks/shweta_narayan_it_s_impossible_to_have_healthy_people_on_a_sick_planet.
[4] https://www.unige.ch/numerique/demain/liste-des-projets/100/.
[5] Sur le sujet, se reporter aux travaux de l’économiste Pigou dans les années 1940.
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