Recension
BURNIER, François (2020) : La belle histoire de la vie. GAUTHIER-CLERC, Michel (2019). Ed. De Boeck supérieur, 384 p. EAN13 9782807321779
L’avouerai-je ? A première vue, le titre de cet ouvrage ne m’avait pas particulièrement accroché. Trop général ? Je me hâte de préciser que j’avais entièrement tort. J’y reviendrai à la fin.
Docteur en écologie et en médecine vétérinaire, ayant notamment étudié les manchots de l’île Crozet, l’auteur (*) nous emmène sur les traces de tous les hommes qui se sont intéressés à la nature, en commençant avec les cueilleurs chasseurs d’il y a 400’000 ans pour arriver au XXIème siècle et à l’intelligence artificielle.
D’une lecture fort agréable, l’ouvrage se compose d’environ 150 thèmes apparaissant sur la page de gauche avec, sur la page de droite, une photo de grande qualité où l’on découvre une peinture de la grotte de Lascaux, un fossile d’ammonite, le tronc tortueux d’un olivier, une enluminure du XVème siècle, des dessins de Léonard de Vinci, une harde de biches dans une futaie, André Vésale effectuant une dissection humaine, un colibri prélevant du nectar, une préparation microscopique de protozoaires, un avion pulvérisant des pesticides…
Le premier des six grands chapitres décrit la préhistoire et l’Antiquité, abordant notamment la colonisation de la planète par les humains, la disparition de la mégafaune et les extinctions de masse. Nous voici d’emblée dans le vif du sujet. Le regard porté sur la nature par l’Inde et la Chine antiques est bientôt suivi de celui d’Aristote et de Pline l’Ancien, le parcours étant entrecoupé de questionnements – Qu’est-ce que le vivant ? D’où vient la vie ? Qu’est-ce qu’un biologiste ? – ainsi que de descriptions de l’évolution de la médecine, tant humaine que vétérinaire.
Nous allons ensuite du Moyen Âge à l’aube des Lumières, avec le progrès des connaissances botaniques, zoologiques et anatomiques, ainsi que l’accès au monde microscopique. C’est à partir du début du XVIème siècle que, après une étrange pause de plus de 1300 ans, les connaissances en anatomie recommencèrent à progresser, parallèlement au développement de l’histoire naturelle. A la suite des philosophes et des scientifiques grecs, Descartes appliquait une méthode rationnelle et il considérait les êtres vivants comme des machines répondant uniquement aux lois de la chimie et de la physique. A cette approche mécaniste s’opposaient le vitalisme, évoquant une force invisible, ainsi que l’alchimie. Parallèlement, les enseignements de l’Eglise ne permettaient pas d’envisager que les espèces puissent évoluer et se transformer au cours du temps.
La fin du XVIIIème siècle vit apparaître certaines formes de conscience environnementale, avec notamment la mise sur pied de réserves forestières, dans le but notamment de se protéger du changement climatique et de la sécheresse. C’est aussi à cette époque que Malthus, dans son Essai sur le principe de population, proposa un contrôle actif du nombre des naissances dans le but d’éviter un épuisement des ressources disponibles.
Les trois chapitres qui suivent abordent, parmi bien d’autres sujets, la symbiose, les écosystèmes et la dynamique des populations, la découverte de l’ADN, la manipulation parasitaire, l’éthologie et l’écologie comportementale, l’investissement parental, les anticorps monoclonaux, la brevetabilité du vivant et les OGM, la bioéthique, le concept d’Anthropocène, l’épigénétique, le SRAS, l’initiative mondiale One Health, l’intelligence artificielle, l’agricultures synthétique et l’agriculture biologique… et bien d’autres domaines. Il est impossible de rendre justice en quelques lignes à un ouvrage tel que celui-ci, où convergent magistralement histoire et biologie, le tout dans une approche d’une grande esthétique. Ainsi donc, ce livre mérite pleinement son titre.
En refermant cet ouvrage, le 31 mars 2020, en pleine crise du coronavirus – ou faut-il dire : au début de cette crise ? – on pense inévitablement aux réflexions que l’auteur pourrait faire au sujet de la tragédie que nous vivons en ce printemps si différent des autres.
(*) Michel Gauthier-Clerc dirige actuellement le Zoo de la Garenne, à Le Vaud, en Suisse, non loin du Lac Léman. Entièrement rénové en 2016, ce parc animalier est réputé non seulement pour ses installations vastes et modernes, son excellente présentation didactique et son accueil du public, mais aussi pour les succès qu’il a remportés dans l’élevage en captivité du gypaète barbu. Ces efforts ont grandement contribué à la réintroduction accomplie dans les Alpes de ce magnifique rapace qui avait été exterminé vers la fin du XIXème siècle en raison de l’ignorance destructrice de l’homme.
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Version téléchargeable (pdf) : Recension - La belle histoire de la vie