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LONGET, René (2024) : Initiative pour la biodiversité : des espaces pour les espèces ! Agefi, 23 août 2024
L’opposition acharnée des milieux agricoles détonne face aux approches agronomiques éprouvées.
La biodiversité a été jusqu’à présent le parent pauvre des débats sur la transition écologique, marqués essentiellement par l’enjeu climatique et énergétique. Car si le changement climatique s’annonce dans le bruit et la fureur des inondations, incendies, montées des températures et du niveau des mers, la biodiversité s’affaiblit en silence.
Le plus important: ce qui n’est pas visible
Or chaque espèce a sa place dans le tissu du vivant. Nous avons l’habitude de nous émouvoir du sort d’animaux emblématiques, comme le lion, le tigre, le rhinocéros ou l’ours blanc. Mais le socle de la biodiversité, souvent même pas visible à l’œil nu, est bien plus important encore: le plancton microscopique des océans, à qui nous devons 50% de notre oxygène; les micro-organismes du sol, qui assurent le recyclage permanent de la matière organique.
Des chiffres impressionnants sont aujourd’hui disponibles, allant de la moitié du PIB mondial à sa totalité, soulignant le lien entre prospérité économique et santé du vivant. La notion de services écosystémiques regroupe tout ce que la biodiversité apporte à nos diverses activités. Nous ne nous en rendons pas vraiment compte, un peu comme nous occultons le fonctionnement de notre organisme, jusqu’au moment où quelque chose ne va plus…
Assurer la fonctionnalité des services écosystémiques
Pour maintenir la base de nos existences, trois choses sont indispensables: protéger efficacement les sites particulièrement importants pour la biodiversité; garantir l’infrastructure écologique assurant l’indispensable circulation des espèces; intégrer la biodiversité dans la gestion de tous types de territoires. Cela signifie construire autrement, cultiver autrement, gérer les forêts autrement, renaturer les espaces bâtis y compris les zones industrielles (voir la Fondation Nature&Economie) – toutes choses qu’on sait parfaitement faire mais qui sont loin d’être généralisées.
Dans son rapport Environnement Suisse 2022 (p. 86), le Conseil fédéral constate que la biodiversité «demeure en mauvais état et ne cesse de décliner. Un tiers de toutes les espèces et la moitié des types de milieux naturels en Suisse sont menacés. Les succès ponctuels ne parviennent pas à compenser les pertes, dues essentiellement au manque de surface, à l’imperméabilisation, au morcellement, à l’utilisation intensive des sols ainsi qu’aux apports de pesticides et d’azote.»
Ancrer le réflexe biodiversité
L’initiative pour la biodiversité soumise au vote ce 22 septembre ne demande rien d’autre que de faire des bonnes pratiques éprouvées le référentiel de tous. Elle affirme des principes et des objectifs, sans articuler ni chiffres ni délais. Elle inscrit dans notre loi fondamentale la nécessité d’assurer aux espèces animales et végétales leur juste place.
L’opposition acharnée des milieux agricoles détonne face aux approches agronomiques éprouvées faisant appel à la biodiversité fonctionnelle, comme l’agroécologie ou l’agroforesterie. Le rejet de l’initiative par les milieux économiques détonne tout autant, désavouant, quand arrive le moment de la décision politique, les nombreuses déclarations sur les liens intrinsèques entre prospérité économique et prospérité du vivant, santé de la biodiversité et santé des entreprises. Est-ce vraiment le rôle des lobbyistes de l’économie de protéger les «mauvais élèves», alors qu’ils ne cessent de vanter les mérites de la compétition, de l’innovation et de l’excellence ?
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