Point de vue
LETHIER, Hervé (2025) : Le temps se gâte pour les États
Le 9 avril 2024, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse pour insuffisance en matière de lutte contre le changement climatique (cf. La Suisse et le changement climatique – un mauvais exemple). C’est aujourd’hui l’ensemble des Etats qui se font rappeler leurs obligations en la matière, par la Cour internationale de justice (CIJ) dont l’avis consultatif unanime de ses membres, du 23 juillet 2025, constitue un moment historique dans l’évolution de la justice climatique.
Vous l’ignoriez, … la CIJ le rappelle : « la dégradation du climat, causée par les émissions de gaz à effet de serre, est une menace urgente et existentielle » et « le climat doit être protégé pour les générations présentes et futures » (Obligations des États en matière de changement climatique).
Un environnement « propre, sain et durable » conditionne la jouissance d’autre droits reconnus tels que, par exemple « le droit à la vie, le droit à la santé[1] et le droit à un niveau de vie adéquat, qui inclut l’accès à l’eau, à l’alimentation et au logement » ; l’homme doit et ne peut jouir en effet de ces droits, de manière effective, que s’il peut vivre dans un tel environnement. En d’autres termes, le droit de l’homme à un environnement propre, sain et durable est inhérent à la jouissance des autres droits de l’homme.
La CIJ conclut que les États ont l’obligation de prévenir les dommages significatifs à l’environnement et le devoir de coopérer à cette fin, dans le respect du principe des responsabilités communes – mais différenciées, en équité et selon leurs capacités respectives, et du principe de précaution.
Elle considère dès lors que, « compte tenu des effets néfastes des changements climatiques sur la jouissance des droits de l’homme » … la jouissance de ces droits ne peut être assurée sans la protection du système climatique et autres composantes de l’environnement, et que « les Etats sont tenus de prendre les mesures nécessaires à cet égard », en réponse « aux obligations que leur impose le droit international des droits de l’homme », de même que, erga omnes, les traités relatifs aux changements climatiques » (ex. : Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, Protocole de Kyoto, Accord de Paris), et « pertinents sur l’environnement » (ex. : Convention sur la couche d’ozone et le protocole de Montréal, Convention sur la diversité biologique, Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification, Convention des Nations Unies sur le droit de la mer), ainsi que « le droit international coutumier ».
A cet égard, ne pas prendre « les mesures appropriées pour protéger le système climatique » en « octroyant des subventions pour les combustibles fossiles », peut constituer un fait internationalement illicite, a fortiori « la production et l’utilisation de combustibles fossiles et l’octroi de licences d’exploitation », lesquels peuvent aussi engager la responsabilité des États.
Conclusion
Sur la base de cet avis de la CIJ, un État peut dès lors exiger des réparations auprès d’un autre État, au motif d’un fait illicite susceptible d’effets négatifs sur le climat ; encore faut-il cependant que les États concernés reconnaissent la compétence de la CIJ ou acceptent d’être jugés par elle , ce qui réduit la portée de cet avis par le fait qu’entre autres États, les deux plus grands pollueurs mondiaux que sont la Chine et les États-Unis, ne reconnaissent pas la compétence obligatoire de la CIJ.
Dans tous les cas, le lien de causalité direct et certain entre le fait illicite et le préjudice subi devra être établi, … difficile mais pas impossible.
[1] … aux soins ?
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